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Retour sur les origines des Salticidés

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Les salticidés sont des araignées étonnantes et fascinantes. Très photogénique en raison de leurs attraits colorés, comportementaux et biologiques, il n’est pas étonnant de les retrouver régulièrement à l’honneur sur des galeries de photographe pratiquant la macrophotographie aux quatre coins du monde. Mais quelle est l’origine de ces araignées au regard hypnotisant ?

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Le mâle Euophrys frontalis est particulièrement photogénique avec ses soies colorées entourant les yeux ainsi que ses “‘moustaches” blanches.

 

Les araignées sauteuses sont présentes sur tous les continents en dehors de l’Antarctique et de l’Arctique en raison des conditions inhospitalières qui y règnent. Elles appartiennent à l’ordre des aranéides (Araneae), au sous-ordre des araneomorphes (Araenomorphae) et à la famille des salticidés (Salticidae). L’étymologie de Salticidae se décompose de la manière suivante : salti = saltus = bond/saut et cidae = cida = battre/tuer, ce qu’on peut retranscrire par “sauter pour tuer”. La référence traduit parfaitement le comportement et les aptitudes qu’ont développées ces incroyables araignées. Dès lors, le nom commun d’araignée sauteuse est parfaitement compréhensible et sera privilégié par rapport à d’autres termes parfois employés tels que “saltique” ou “salticide”.

Les connaissances actuelles situent l’apparition des premières araignées sur Terre (toute famille confondue) à la fin du Dévonien soient environ -400 à -350 millions d’années. Idmonarachne brasieri est une espèce aujourd’hui éteinte mais décrite suite à la découverte d’un fossile daté à environ 305 millions d’années correspondant à la période du Carbonifère. Le fossile parfaitement conservé a été découvert à Montceau les Mines en France et une étude parallèle sur l’évolution des araignées a été publiée en mars 2016. Deux autres fossiles ont été découverts en Mongolie datés à environ 165 millions d’années. Ils ont permis de décrire scientifiquement la femelle en 2011 et le mâle en 2013 sous le taxon Mongolarachne jurassica. Le taxon de cette dernière est explicite ! L’araignée de grande taille (15 cm avec les pattes) appartient à la famille des Nephilidae, bien éloignée de ce que l’on connait aujourd’hui des salticidés.

Les premières salticidés seraient apparues sur Terre à la fin du Crétacé il y a 70 à 80 millions d’années. Profitant d’un climat sub-tropical de la fin du Paléocène et du début de l’Éocène il y a 65 millions d’années — période correspondant à la disparition des dinosaures — la famille d’araignées s’est alors étendue. Toutefois, la dispersion (colonisation de divers milieux) et la spéciation, c’est-à-dire l’évolution biologique vers de nouvelles espèces au sein de cette famille se serait produit majoritairement durant la période de l’oligocène-miocène : période qui s’étend de -33 millions d’années à -5 millions d’années.

Hasarius adansoni est une espèce cosmopolite. Elle a profité d’une dispersion “moderne” en raison d’introductions accidentelles un peu partout dans le monde, y compris en France où elle a su prospérer dans les serres horticoles.

Des fossiles de Salticidés témoignent de leur passé et notamment des araignées sauteuses figées dans l’ambre. Les plus anciens seraient datés de l’Eocène (-65 millions d’années). Plus récent, mais très impressionnant de par son excellente conservation, un fossile d’un mâle Salticidae a été figé dans l’ambre en préservant sa posture et ses couleurs. Il est daté à -2 millions d’années. (à voir ici)

 

La famille des salticidés serait la plus évoluée d’un point de vue phylogénétique et elle regrouperait le plus grand nombre d’espèces différentes avec plus de 5500 espèces réparties dans plus de 500 genres offrant une large diversité de comportements, morphologies et couleurs. Fait d’évolution ou d’adaptation à un milieu spécifique dans une période également spécifique, l’espèce Bagheera kiplingi appartenant à la famille des salticidés a une particularité singulière puisqu’il s’agit de la seule araignée connue à ce jour ayant un régime alimentaire principalement végétarien. Eh oui !

Le nombre d’espèces appartenant à la famille des salticidés augmente régulièrement avec de nouvelles découvertes des biologistes et entomologistes. Les pays de l’hémisphère Sud sont ceux qui offrent la plus belle diversité (Australie, Brésil, Indonésie) mais de grands territoires comme les États-Unis et la Chine comptent aussi un grand nombre d’espèces. Certains territoires sont encore peu prospectés et les inventaires peu fiables mais laissent l’espoir de voir de futures descriptions de nouvelles espèces.

 

Extrait du site http://www.jumping-spiders.com

 

Les salticidés d’Europe seraient quant à elles des espèces ayant émigrées de régions plus favorables telles que l’Asie et le Moyen Orient, il y a environ 12000 ans après l’ère glaciaire. Il n’y a que la région méditerranéenne qui serait une niche écologique originelle de quelques genres (certains Heliophanus, Sitticus et peut être Euophrys selon Prosinsky).

En incluant la Corse et la France métropolitaine, nous comptons 40 genres pour environ 160 espèces inventoriées. Ce chiffre est incertain car certaines espèces n’ont jamais été retrouvées depuis leur description originale ou au contraire, de nouvelles espèces ont été observées ces dernières années notamment dans des habitats typés ou des frontières communes avec d’autres pays européens. Sitticus inexpectus est une espèce décrite en 1997 et observée en Angleterre dans les années 90. Elle a été découverte pour la première fois en France en 2013 par Lionel Picard (aucun lien de parenté 😉 ).

 

Certaines espèces en France, sont connues d’un seul et unique spécimen et jamais encore redécouvert de nos jours, ce qui ne manque pas d’exciter la passion des naturalistes et arachnophiles. Comme dans beaucoup de domaines zoologiques, les erreurs taxinomiques, les synonymies et les descriptions de variantes géographiques sont probables et rendent la validité de certaines espèces complexes. De nombreuses espèces sont aussi présentes sur les territoires d’outre-mer notamment en Guyane en raison d’un climat tropical favorable et d’une nature préservée.

La mise en perspective des Salticidae dans l’échelle du temps de notre planète permet de percevoir d’où viennent ces araignées même s’il n’est pas toujours facile de bien mesurer ce que représente une échelle planétaire aussi étendue. Cette grande famille d’araignée a su prospérer, s’adapter pour coloniser de nouveaux milieux et s’étendre sur de larges territoires. La diversité de Salticidés en Europe est faible et nous avons beaucoup à envier, pour les passionnés comme moi, de l’immense diversité de l’hémisphère sud et de certains autres territoires. Cependant, la diversité des habitats, des climats et l’endémisme dont sont bénéficiaires certaines régions en métropole (incluant la Corse) nous offrent quelques privilèges avec de belles observations !

 

 

Références bibliographiques.

Hill, D. E., and D. B. Richman.  2009.  The evolution of jumping spiders (Araneae: Salticidae):  a review.  Peckhamia 75.1: 1-7. (PDF)

David Penney. 2010. The evolution of jumping spiders (Araneae: Salticidae): a palaeontological evidence. Peckhamia 81.1: 1-3. (PDF)

Russell J. Garwood & al. 2016. Almost a spider: a 305-million-year-old fossil arachnid and spider origins. Published by the Royal Society (PDF)

Prosinksy 1986. Remarques sur la composition de la faune européenne, sa répartition et son origine basées sur les études des Salticidae. Mém. Soc. r; be1geEnt.33 : 165-170 (PDF)

Fossilis : La découverte d’une créature fossile […].

World spider catalog

 

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